Le petit DSK illustré

Le 30 mars 2011

Canal + nous proposait il y a quelques jours de passer "un an avec DSK". Antoine Mairé revient sur ce reportage à décharge.

Les hommes politiques ne sont pas que des stakhanovistes en costume deux pièces, ce sont avant tout des hommes. Il y a deux semaines sur Canal+, on nous a raconté la vie de l’un d’entre eux, et pas n’importe lequel : un chef d’Etat sans Etat. Non content de figurer en tête de tous les sondages (63% d’opinions favorables, 33% d’intentions de vote), Dominique Strauss-Kahn est donc quelqu’un de charmant, marié à une femme idéale. Au bout de ces 50 minutes réalisées par Nicolas Escoulan et intitulées “Un an avec DSK”, il ne fait aucun doute que cet homme de 61 ans, animé par une force politique à la dimension internationale, est celui que toute la France attend. Et quel dommage, avec le recul, que le retentissement médiatique du film ait été couvert par quelque menu tsunami, catastrophe nucléaire et autre Marine Le Pen.

N’ayant pas le droit, en raison de sa position de directeur du FMI, de commenter la vie politique française ni d’annoncer sa candidature à la présidentielle, ni d’ailleurs de divulguer les tractations économiques avec les pays en difficulté, à quoi sert ce documentaire ? Oui cher lecteur, tu as pensé très fort “à rien” et tu as tort. Il nous est offert une profession de foi politique. La vérité nue, qui ne sort pas de la bouche d’une secrétaire, mais de l’extrême concentration avec laquelle DSK et ses comparses affichent leur désir d’accomplir une mission auprès des Français.

Si le film dit peu de son avenir, il n’en pense pas moins et montre un homme en campagne prêt pour la future présidentielle. Cela ne fait aucun doute d’après ses conseillers en communication : “Il correspond au portrait robot du candidat idéal”, et

à partir du moment où la France aura besoin de lui, DSK répondra présent.

Ces 50 minutes sont la boite noire d’un avion prêt à atterrir en 2012. On peut sans peine y déceler l’ADN du programme du futur candidat DSK. Revoyons les images, car il y a comme un goût de primaire dans l’air.

Un argumentaire sans faille

Pour aller au bout d’une campagne présidentielle (et nul doute qu’il y parviendra), il faut compter sur une vigueur martiale au débat. Ce documentaire permet de donner un aperçu de ses talents d’orateur. Et quoi de mieux que de procéder à l’analogie pour destabiliser ses concurrents? D’autant plus si on l’accompagne d’un léger silence satisfait. Le silence après une petite phrase de DSK, c’est encore du DSK. Pizza, école, thermomètre, tout est bon dans la comparaison.

Un débatteur dur à cuire

Il y a des chances que la scène des tournedos entre au panthéon du documentaire politique. Cet instant à la célébrité déjà éprouvée est le révélateur de l’envie d’en découdre de DSK. Pour en analyser les contours, donnons la plume à un habitué du savant mélange entre politique et entrecôte, le chroniqueur de RTL et Canal+ Jean-Michel Aphatie : “Non mais regardez un peu cette cuisson, c’est quand même incroyable ! Alors je me demandais si par hasard, présentement, et contexeutuellement parlant, monsieur Dominique Strausseukahn ne réduisait pas à néant sa viande au même titre que ses futurs adversaires. Ce quartier de barbaque qui se retourne sur lui-même, n’est-il pas Eric Besson ? Cet assemblage de nerfs mis sous le silence du grill, c’est Nicolas Sarkozy évidemment. Et là regardez un peu, c’est incommensurablement affolant, comme il tient ce tournedos déprimé, plissé, martyrisé, au bout de sa fourchette, embroché tel le premier François Fillon venu.”

Merci Jean-Michel, mais ne nous attardons pas sur cette scène, après tout, “la vie privée, c’est la vie privée, il ne faut pas l’étaler“.

Du Franc-parler

Ce repas de “monsieur tout le monde” comme le précise amoureusement le commentaire est néanmoins le témoin évident de la proximité de DSK avec les Français. Ce poste au FMI a fait de lui un aigle qui s’élève au dessus du monde à mesure qu’il s’éloigne de la terre.  En laissant entrer les caméras chez lui, DSK sait redevenir l’oisillon auprès de qui les Français aiment batifoler. Ainsi parle-t-il comme le commun des habitants de son Sarcelles chéri:

Un homme bien entouré

Connait-on vraiment la tâche d’un directeur du FMI ? Nicolas Escoulan nous fait entrer par la plus grande porte du bâtiment : celle du parking. Plongée ensuite dans A la maison blanche version économie mondiale, au centre des plus grandes décisions de ce monde. Tant pis si la caméra s’éloigne au moment des négociations, ou semble s’extasier de se trouver auprès d’une personnalité aussi importante, elle se rattrape en exerçant un regard critique sur la fonction autant que sur les décisions de DSK. Voici donc un montage de ces moments qui savent prendre un peu de recul, pour qu’enfin, au cours de ce film, se dégage une voix contradictoire [NDLR : la vidéo fonctionne bien]:

Le sens pratique

Il était important de montrer à quel point DSK maitrise les petits trucs de grand-mère ; à quel point lui connait le prix d’une baguette de pain ou d’un ticket de métro, certes, à Washington, mais il sait tout ça. C’est un homme du peuple oui monsieur. Une minute et dix secondes du film sont consacrées à sa technique de repassage d’un costume. Le secret ? Faire couler l’eau chaude pendant une demi-heure. Ah ils rigolent moins les écolos, ces rebelles de pacotille, ces voleurs de voix au premier tour. Au diable avril 2002, déjà oubliées les européennes de 2009, regardez comme ce costume lisse est un pied de nez à leur absence de candidat.

Une carrure internationale

Au FMI, ses décisions se doivent d’être portées par un grand sens du jugement au moment de gérer les grandes questions de ce monde : “Combien la Zambie peut-elle emprunter ?” (20:57), “On a du nouveau sur la Grèce ?”(7:20), “Je dois reparler du multilibéralisme et blablabla ?” (25:37), “Mais qui a fait ce gateau ?” (11:54). De la même façon, sa clairvoyance lui permet de pointer les défaillances économiques de certains pays, et de l’analyser avec tact. Un vrai sens de la diplomatie qui a, certes, eu des échos peu cordiaux en Grèce

Un fédérateur de la gauche

Il ne sera pas ce président-omnipotent comme un certain futur prédécesseur. Lui au pouvoir, c’est la gauche (ou au fond à droite de la gauche) qui gouvernera. Voyez avec quel vigueur il joue au football, s’empare du ballon et se dépêche de faire la passe à ses petits camarades sud-africains. A toi le dossier du nucléaire, à moi les sans-papiers, à toi le mal-logement, à moi la libération des otages. Le gouvernement DSK sera France 98 ou ne sera pas. A la fin du film, DSK précise : “être de gauche, c’est de prendre la réalité, essayer de la corriger pour qu’elle soit plus juste. Il faut dépasser le possible, mais ne pas promettre l’impossible”. Etre un président de gauche, ce sera être un numéro 10 mais aussi savoir donner le bâton (libre à toi lecteur de terminer cette phrase).

Le goût du terrain

Une élection se gagne sur les marchés et dans les salles des fêtes. Tant de combats éloignés du 8ème arrondissement… Ces trois dernières années, DSK a parcouru 60 pays et 44 000 kilomètres. Il est logiquement rompu à l’asphalte d’une course à la présidence. Il a dans ses bagages d’homme de terrain un entrainement intensif mené auprès des troupes d’élite du FMI, cette agence pas comme les autres…

Merci donc à ce “Un an avec DSK” d’avoir porté ainsi aux nues un homme en proie à une décision majeure. Un travail de longue haleine. Un travail de salut public. Un travail journalistique ? De son côté, l’entourage de Dominique Strauss-Kahn, contacté par OWNI, se défend d’avoir exercé une quelconque influence sur le ton du reportage et a déclaré avoir découvert le film au moment de sa diffusion.

Crédit Photo FlickR CC : International Monetary Fund [cc-by-sa]

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