Ground Zero: voyage au pays du festival hardcore

Le 17 septembre 2010

Le New Clubbing trouve en l’été un allié de poids. C'est à cette période que les festivals Techno parsemant le territoire de nos voisins européens entretiennent le mythe d’un ailleurs festif aux allures d’usine à fun.

Le New Clubbing trouve en l’été un allié de poids. C’est à cette période que les festivals Techno parsemant le territoire de nos voisins européens entretiennent le mythe d’un ailleurs festif aux allures d’usine à fun. La France, terre sainte de l’immobilisme, fournit la House Nation en troupes fraîches prête à l’expatriation revigorante. Ground Zero, un des festivals hollandais les plus en vue, est une destination prisée par tous les européens voulant commencer l’été en beauté – et en dansant.

En route pour Ground Zero 2010 : dancefloor, stations-services, jetons-boissons et Djs.

Mise en bouche

Ground Zero fait la part belle aux genres durs de la Techno : plusieurs variantes de Hardcore y sont représentées. Mais on peut y entendre également des légendes de la House et de la Rave des années 90… dont les rythmes colorés donnent la cadence à un cadre festif proche de la fête foraine.



Ground Zero a été créé en 2006 par UDC et Multigroove. La cinquième édition, en 2010, c’est :

  • 9 scènes et plus de 100 DJs et livers
  • Des styles musicaux allant de la House old-school au Hardcore
  • Plus de 20 000 personnes réunies de 21h le samedi 3 juillet 2010 à 7h le dimanche 4 juillet 2010.
  • Une direction artistique assurée par DJ Dano, une légende de la rave
  • 45 euros l’entrée; 2,50 euros le soft drink et la bière
  • Une grande roue

Le road trip

Le New Clubbing, pour qui l’Europe est un dancefloor géant, revitalise le mythe de la route cher aux beatniks. Bien sûr, si en 2010 l’aventure n’est pas sur le bitume mais au bout de celui-ci, il reste que les 549km entre Paris et Bussloo (NL) sont ponctués de rituels précédant la fête. Ainsi, les stations-service deviennent le lieu d’enthousiasmes préliminaires : il n’est pas un distributeur de café en plastique de l’A1 qui ne connaisse les noms d’au moins 200 DJs pour les avoir entendus scander par des fans en fusion.

Car le New Clubbing optimise la consommation de la fête : chaque party people a préparé son line-up idéal et le confronte à celui de ses collègues festifs, chacun valorisant ses choix par la citation d’expériences passées. La crédibilité d’un New Clubber passe aussi par l’énumération de mix de folie joués par des DJ mythiques dans des soirées légendaires. A quel degré peux-tu t’approprier le mythe?

Quoi qu’il en soit, tout adapté qu’il soit à l’ultra-paramétrage de la vie moderne, le New Clubbing reste l’expression la plus agitée de ce qui fait la valeur de la fête : l’inattendu, le non-gérable, l’anti-rationnel.

Bref, le New Clubbing est une réalité sociologique qui reste fun.

En France, ces dernières années, les stations service ont fait un bond en matière d’aménagement et de services. Le quasi-monopole de Daunat sur les sandwichs pain de mie n’enlève rien au bonheur de pouvoir, depuis peu, se procurer du Red Bull en toute légalité.

En Belgique, sur l’axe Gent-Antwerpen (Gand-Anvers), les stations sont rares et de niveau disparate. Le français prendra soin de signaler son origine par d’explicites références gauloises dans son discours, au risque, le cas échéant, de passer pour un wallon, ce qui auprès des flamands schismatiques est générateur d’ambiances refroidies.

En Hollande, on trouve dans les stations des distributeurs de saucisses chaudes et les toilettes sont payantes. Même avant la démocratisation des GPS, il était facile d’aller festoyer en Hollande car le pays est petit et quadrillé serré par les autoroutes. On pouvait louper la sortie sans autres conséquences que d’avoir à traverser des villages où les gens se meuvent en vélo.

Le festival

Les rock-critics ont raison : la Techno n’a pas à supporter ce fardeau de la pose rebelle avortée qui est un pilier du marketing rock. En tant que plaisir moderne, la Techno vit bien son hédonisme à l’industrialisation marketée. Sauf en France , pays crispé sur le souvenir douloureux des teknivals.

A Ground Zero, Bussloo, Hollande, tout est prêt ce soir pour accueillir 20000 danseurs. Plus de 100 DJs donneront leur meilleur, chargés de mettre en œuvre la promesse d’ambiance d’un marketing bien rôdé. Car cela fait longtemps que les professionnels de la Techno savent que l’identité d’un évènement ne passe pas seulement par l’énumération des artistes qui s’y produisent. Le mythe du DJ a son importance. Le DJ de musique dancefloor : un peu showman, un peu shaman, de la bogossité, une attitude bien évidemment, tout ça lié par le talent, et zou ! La loi du Kick-Tout-Puissant fait le reste en distillant ses commandements à travers les gestes agiles du DJ sur sa table de mixage.

A noter que telle petite sauterie n’est rendue possible que par une auto-discipline aigue des publics. Avoir accès, pour 45 euros, au meilleur des prestations artistiques, techniques et d’accueil, se mérite au prix d’une absence totale de débordements. Ce que garantissent également une sécurité très ferme à l’entrée et la présence d’un poste de police à l’intérieur même du festival. Tant pis pour les ouins-ouins libertaires pour qui la Techno a été, en d’autres temps, le prétexte au n’importe quoi généralisé et au laisser-faire systématique.

Les artistes français

L’édition 2010 de Ground Zero se distingue aussi par une grosse présence d’artistes français, grâce notamment à l’action d’un agent français précurseur: Insane Bookings. La Hollande étant la Terre Promise de la dance music, et la scène Techno française n’ayant pas toujours offert beaucoup de perspectives à ses différents acteurs, les artistes français montreront ce soir une détermination de chiens de l’enfer prêts aux dernières extrémités. Au programme : Radium, Sonam, Kill Em All, Manu le Malin, IOM Factory, Speedloader, Dr Macabre, AK47, Tieum, Laurent Ho et Fight.

Y-a-t-il un style de mix « à la française » ? Sans doute. Là où les hollandais pratiquent des enchaînements courts très basés sur les cuts, les français expriment en général un certains lyrisme. Les enchaînement peuvent être plus longs, plus personnels aussi, la longueur de temps pouvant conférer une dimension ésotérique à un mix bien mené. Autrement dit, on entendrait presque de la furia rimbaldienne dans la musique de ces artistes.

Mais qu’on ne s’y trompe pas : ce 3 juillet à Ground Zero, les beats seront lourds et les mix vicieux. Personne n’est là pour badiner. Faut que ça tape.

Le public

Ca tombe bien, cela fait des mois que le public se conditionne pour manger du beat. Si les hollandais sont majoritaires, les français, allemands et italiens sont nombreux. Et on trouve bien sûr des anglais, des suisses, et de nombreuses autres nationalités. Qu’on se le dise : la Hollande est depuis 25 ans l’épicentre de l’évènementiel Techno. C’est pourquoi ce soir à Ground Zero, le public a de 18 à 45 ans… Les moins de 30 ans sont les plus nombreux, mais ce sont bien plusieurs générations festives qui se mélangent dans le Grand Bain Rythmique Electronique.

Et, dans cette chaude ambiance, les occasionnels côtoient les experts, les alternatifs trinquent avec les clubbers, les gabbers fraternisent avec les houseux. Car, loin des tentations sectaristes très au goût du jour en France, les organisateurs de Ground Zero savent que le mélange des publics est une des clés du succès.

La transmission de l’ambiance

Pour parfaire ce dispositif mettant en scène le mythe Techno tout en le nourrissant, rien de mieux que la perpétuation de la mémoire grâce aux serveurs et aux disques durs.
Car, avec internet et les transports low-cost, la vidéo est la troisième variable de l’équation – sans inconnue – du New Clubbing.
Sur DVD ou sur une chaîne YouTube, les heures d’images captées toute la nuit par l’organisation rajouteront une couche au mythe. Le « J’y étais » devenu composante statutaire dans la culture New Clubbing est en effet un levier marketing fort.

L’explosion de la vidéo amateur a aussi sa responsabilité dans le développement de la culture New Clubbing. Autour des vidéos officielles (leur image HD, leur son propre, leur réalisation narrative) se grefferont des nuages de vidéos personnelles révélant l’intensité de l’ambiance dans tout son remuant fouillis. Image sautante, son saturé ? Par grave : le mythe est à portée de mémoire d’Iphone.
Alors même qu’il est la norme de penser que la Techno est une musique ennuyeuse à regarder, c’est grâce à la vidéo qu’elle a répandu son règne sur le monde festif.

OK boys and girls ! La Techno est le rythme du train festif traversant vos vies d’androïde occidental perclus d’engrenages et de routines.
Les DJ dévient le convoi du tracé initialement prévu.
Et Ground Zero 2010 fut une gare volcanique et douce, conviviale et agitée : la débauche par la danse.
L’ennui rôde : dansons !

> Article initialement publié sur Culture DJ, le blog de DJ Speedloader, aka Florian Pittion Rossillon

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