OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Wikileaks : l’État, le réseau et le territoire http://owni.fr/2010/12/13/wikileaks-l%e2%80%99etat-le-reseau-et-le-territoire/ http://owni.fr/2010/12/13/wikileaks-l%e2%80%99etat-le-reseau-et-le-territoire/#comments Mon, 13 Dec 2010 11:51:52 +0000 anthonybesson http://owni.fr/?p=39059 Infowar”, “cyber warfare”[en], “opération riposte”, “guerre de l’information”,… les titres couvrant l’affaire WikiLeaks ont largement puisé dans le vocabulaire militaire pour décrire les événements qui ont suivi la publication des câbles diplomatiques par le site de Julian Assange. La multiplication des déclarations violentes de journalistes et hommes politiques à l’encontre de WikiLeaks, l’acharnement des États a vouloir faire fermer le site en vain via les hébergeurs ou les fournisseurs de noms de domaines, et bien sûr la “riposte” des Anonymous par attaques DDoS, tout cela participe bien d’un climat de “guerre”. Mais quelle guerre ? Et surtout, pourquoi parle-t-on de “guerre” ?

J’aimerais proposer ici l’idée que l’affaire WikiLeaks relève bel et bien d’un conflit qui serait de nature territoriale entre d’un côté l’État qui s’appuie sur un territoire physique délimité par des frontières au sein desquelles est déployée une domination via la mise en scène d’une violence symbolique légitime et de l’autre le réseau en tant que territoire “virtuel” étranger sur lequel l’État n’aurait pas prise : tant physiquement que symboliquement. Si ces deux territoires se sont longtemps ignorés, ces dernières années ont vu apparaître une préoccupation grandissante de l’État face à ce “voisin” menaçant ! Pourquoi menaçant ? Parce que le réseau suit une politique expansionniste des plus agressives : 5 millions de terabytes, et une croissance qui doublerait sa taille tous les 5 ans. Si l’Internet est un territoire, il se nourrit et s’agrandit de par les informations que nous mettons en ligne. Car pour le réseau, l’information est le territoire. Dans ce sens, la mise sur le réseau des câbles ne relève pas que du simple journalisme, mais met en lumière l’agrandissement du territoire du réseau aux dépens, cette fois-ci non plus de données privées (données sous copyright ou données personnelles), mais de données appartenant à l’État. La mise en ligne des câbles, c’est l’annexion par le réseau d’une partie du territoire de l’État !

L’Internet, un territoire étranger

L’idée que l’Internet soit virtuel, au sens naïf de “coupé du réel”, est en passe d’être abandonnée, et les tensions, conflits, relatifs à l’Internet, sont manifestes, qu’ils touchent à des formes concrètes du territoire (câbles, juridictions nationales) ou à des formes moins repérables (réseaux sociaux en construction…)
Eric Guichard, 2007[pdf]

Si le réseau des réseaux n’est plus considéré comme un territoire virtuel par ses usagers qui prolongent sur les réseaux sociaux leur vie sociale IRL, ce territoire est longtemps passé inaperçu aux yeux de l’État qui ne voyait dans l’Internet qu’un espace immatériel, donc par nature sans aucun danger pour la réalité matérielle sur laquelle l’État exerce son contrôle.

Cela dit, la menace terroriste ou les questions de droits d’auteur que soulèvent les usages de l’Internet attirent l’attention de l’État sur le réseau. En même temps que le réseau devient “espace public” apparaît pour l’État l’impérieuse nécessité d’étendre son contrôle sur les citoyens online et de garantir le prolongement de sa domination symbolique sur ce qui apparaît de plus en plus comme un territoire. Mais comment ? La vérité est que l’État n’y parvient pas. Les lois qui sont mises en place : ACTA, LOPPSI, HADOPI si elles proposent des moyens de coercition, sont des moyens qui interviennent en dehors du réseau, et ce de manière très limitée : les individus agissant de manière illégale sont arrêtés si et seulement si le lien est fait entre l’internaute et l’individu, et si bien entendu l’individu en question réside physiquement sur le territoire de l’État en question.

De même, si les sanctions évoluent (des sanctions traditionnelles de type amende ou enfermement, on est passé à une sanction d’un nouveau genre avec la loi Hadopi qui prévoit l’interdiction de l’accès au réseau), elle s’arrêtent toujours à la porte du réseau. Il ne s’agit plus d’enfermer l’individu dans un espace qui le coupe de la société, mais de l’enfermer dans le territoire du réel, de lui interdire de sortir du territoire national pour se réfugier dans le territoire “virtuel”. La coupure du réseau n’est pas vécue comme une punition, mais comme une atteinte, une privation de liberté.

Ainsi, ces sanctions interviennent IRL : suppression de l’accès par les FAI, suppression de l’hébergement… l’État n’intervient pas à l’intérieur du réseau, mais sur les accès physiques au réseau, révélant ainsi cruellement son absence totale de moyens de coercition sur le territoire du réseau.

Le seul organisme mondial ayant un tant soit peu de pouvoir sur le réseau est l’ICANN, l’institution en charges des TLD (Top-Level-domains), c’est-à-dire les .fr, .com, .org… Cet organisme (sous la coupe du département du commerce américain) chapeaute les entreprises privées qui gèrent ces TLD et a ainsi le pouvoir, en faisant pression sur un fournisseur de TLD, en l’occurrence pour WikiLeaks la Public Internet Registry [en], de faire supprimer des index (DNS) le nom de domaine Wikileaks.org ! Ce “pouvoir” reste cela dit limité, car l’adresse d’un site Internet reste équivalent à une adresse IP, l’index (le DNS) se contentant de faire l’équivalence entre l’adresse IP et le nom de domaine pour notre simple confort (il est plus facile de retenir un mot qu’une suite de chiffres).

Même le gigantesque firewall chinois n’est qu’une chimère. Comme le dit Bill Gates :

Les efforts chinois pour censurer Internet ont été très limités. Il est facile de les contourner.

On voit donc bien que l’Internet représente pour l’État une entité sur laquelle il n’a pas le contrôle. Si l’Internet est un territoire, il est un territoire étranger, un territoire où les États ne peuvent exercer leur pouvoir, un territoire où les moyens de coercition légitimes sont impuissants. L’Internet apparaît comme un espace où la démonstration de la violence symbolique et physique des États ne peut être mise en scène – l’action de l’État se limitant à l’extérieur du réseau. Ce qui fait d’ailleurs  dire à Jean-Christophe Féraud que la fronde de WikiLeaks, face à laquelle l’État semble impuissant, révèle l’Internet comme une zone autonome temporaire.

Ce qui est inscrit sur le réseau devient le réseau

La “fuite” des câbles n’en est également pas vraiment une. Elle n’est pas non plus un vol. Elle met en avant au contraire la douloureuse remise en question du concept de propriété que les majors, les producteurs de jeux vidéo ou de cinéma ont découvert à leur dépens : ce qui est transformé en bits, en devenant immatériel, ne nous appartient plus ; ce qui est inscrit dans le réseau devient le réseau et donc appartient au réseau. C’est pourquoi beaucoup considèrent aujourd’hui naturel d’avoir accès à ces fameux câbles comme toute une génération trouve naturel de télécharger de la musique en ligne ou de regarder la dernière série à la mode en streaming sur Internet. On parle même de WikiLeaks comme d’un nouveau Napster !

La particularité d’Internet est donc qu’il se nourrit de ce que l’on y met. Il se construit sur les informations qui sont mises en ligne, il est un territoire qui s’agrandit chaque fois qu’une nouvelle page Internet s’ouvre, qu’une adresse URL est créée, que nous tweetons, ou likons… L’Internet est donc un territoire et les internautes sont ses soldats luttant pour l’agrandissement, la conquête de nouveaux espaces, de nouvelles données. Ainsi, l’information devient sur l’Internet un enjeu “territorial” et l’agrandissement exponentiel du réseau une campagne expansionniste qui se nourrit de data.

Jusque-là, le réseau se nourrissait essentiellement de données privées (dans le sens de “qui appartient à quelqu’un” et “qui ne dépend pas de l’État”) : fichiers de musique, films en streaming, données personnelles sur Facebook… Mais pour la première fois, le réseau absorbe des données qui appartiennent – non pas à un individu lambda, ou à une entreprise, mais à des États.

L’action de WikiLeaks, parce qu’elle se déroule sur l’Internet, n’est donc pas qu’une révélation médiatique, une fuite d’informations : elle devient une appropriation, une captation de territoire qui passe par une dépossession de l’État. L’affaire WikiLeaks apparaît comme une nouvelle atteinte à l’objet État en défiant sa domination symbolique. Si l’internaute n’est atteignable par l’État qu’en dehors du réseau, de la même façon, l’État ne peut atteindre WikiLeaks que via ses créateurs physiques, en l’occurrence Julian Assange. Mais en aucun cas l’État ne peut atteindre les données qui font le « territoire WikiLeaks » – alors qu’au contraire, le réseau de son côté continue inlassablement et sans crainte de représailles, d’étendre son territoire par l’acquisition de nouvelles données.

Le réseau pose un double problème territorial à l’État : elle met en avant les limites de l’État qui ne peut agir en dehors de ses frontières nationales alors que le réseau lui est mondial. Mais l’affaire WikiLeaks révèle également que le réseau est bel et bien un territoire d’une nouvelle nature au sein duquel l’État n’a pas de moyens de coercition et où par conséquent, son monopole de la violence symbolique légitime s’évanouit laissant l’internaute libre de toute domination – ou tout du moins libre de la domination de l’État.

Article initialement publié sur Mais où est-ce qu’on est ?

Illustrations CC: Norman B. Leventhal Map Center at the BPL, Anthony Besson, Stéfan Le Dû

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Les chercheurs doivent-ils boycotter Elsevier? http://owni.fr/2010/11/09/les-chercheurs-doivent-ils-boycotter-elsevier/ http://owni.fr/2010/11/09/les-chercheurs-doivent-ils-boycotter-elsevier/#comments Tue, 09 Nov 2010 12:30:15 +0000 Roud http://owni.fr/?p=35056 Titre original : Faut-il boycotter Elsevier ?

On a déjà longuement discuté des problèmes liés aux revues scientifiques et des possibilités offertes par l’accès libre. Mais certaines pratiques  récentes du grand éditeur Elsevier posent vraiment la question aujourd’hui d’un boycott pur et simple.

Elsevier est un acteur quasi-incontournable de l’édition scientifique, publiant 250 000 articles par an dans plus de 2000 journaux (si j’en crois Wikipedia). Poids lourd de l’édition scientifique, sa responsabilité est grande, tant à l’égard de la Science – Elsevier édite par exemple les Compte Rendus de l’Académie des Sciences de notre beau pays- que des scientifiques qui, rappelons-le, travaillent  quasiment gratuitement pour les éditeurs scientifiques du fait du système de revue par les pairs.

Des pratiques douteuses

Cependant, force est de constater que l’attitude d’Elsevier pose des problèmes de façon récurrente. Pour ne citer que trois affaires parmi les plus récentes :

Une stratégie de packages inacceptable

On le voit, Elsevier est donc régulièrement pris les mains dans le pot à confitures. Mais c’est paradoxalement des pratiques tout ce qu’il y a de plus légales et d’éthiques qui posent problème aujourd’hui  à mon sens. Car des événements récents prouvent aujourd’hui qu’Elsevier considère les chercheurs, qui sont à la fois ses clients, ses serviteurs et ses vaches à lait, pour des imbéciles.

Elsevier se livre d’abord de plus en plus à des pratiques plus proches du vendeur de chaînes câblées que de l’éditeur scientifique. Un exemple parmi d’autres : Elsevier vend des “packages” d’abonnements de revues aux universités et se livre actuellement à un saucissonnage tout à fait inacceptable :  il sépare actuellement les revues récentes et trendy du package basique, pour  les inclure dans d’autres packages incluant d’autres revues plus que mineures.

Du coup, l’université voulant se mettre à la page devra acheter quasiment tous les packages pour avoir accès à la totalité des bonnes revues. Et, en période de vaches maigres, certaines universités refusent désormais purement et simplement; sans être dans le secret des Dieux, j’imagine que quelque chose de similaire s’est passé récemment dans le cas de Paris VI qui a résilié il y a quelques jours son contrat avec Elsevier.

Une position  cynique sur le financement de la recherche publique

L’autre événement qui a de quoi faire sortir le scientifique lambda de ses gonds, c’est une tribune dans le Telegraph.  Oh, rien d’inhabituel en ces temps de propagande obsédés par la dette publique, un discours classique de coupe dans les dépenses, soutenant le plan d’une terreur British appelée George Osborne. Sauf que le plan en question prévoit des coupes drastiques dans le secteur éducatif, et spécifiquement universitaire : - 40 % de dépenses dans ce domaine ! Et cette tribune d’entrepreneurs, soutenant ces coupes, est signée …  par Anthony Habgood, le Chairman de Reed Elsevier. Peut-on faire plus imbécile et plus cynique qu’un “entrepreneur” dont le business model repose sur l’expertise et le  travail bénévole de personnes dont l’activité est financée en grande partie sur des fonds publics et qui soutient en parallèle une coupe drastique de ces mêmes dépenses publiques ?

Elsevier, du fait de son poids énorme, se comporte en monopole, se permet de donner des leçons de rigueur à l’État britannique d’un côté tout en pressurisant le secteur universitaire de l’autre. Il se trouve que nous, chercheurs, avons aussi le pouvoir de donner une leçon d’économie à Elsevier. Tout quasi-monopole non naturel étant néfaste pour l’économie, nous rendrions probablement service à la société en général en refusant désormais de travailler avec Elsevier, en refusant de référer les papiers soumis à une revue du groupe Elsevier, en refusant d’y envoyer nos papiers, ce qui in fine, devrait forcer Elsevier à mettre la clé sous la porte (d’une façon ou d’une autre).

En ce qui me concerne, je suis assez choqué par tout cela et désormais, je ferai mon possible pour m’abstenir de référer des papiers pour Elsevier, et je n’y enverrai plus mes papiers. Je privilégierai en priorité les journaux en accès libre et les journaux de sociétés savantes (comme Science ou Physical Review).

>> Photo FlickR CC : Campaign Against Arms Trade, martineno

>> Article initialement publié sur Matières vivantes

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Elsevier, un éditeur scientifique à boycotter ? http://owni.fr/2010/11/02/elsevier-un-editeur-scientifique-a-boycotter/ http://owni.fr/2010/11/02/elsevier-un-editeur-scientifique-a-boycotter/#comments Tue, 02 Nov 2010 16:03:51 +0000 Roud http://owni.fr/?p=33207 Titre original : Faut-il boycotter Elsevier ?

On a déjà longuement discuté des problèmes liés aux revues scientifiques et des possibilités offertes par l’accès libre. Mais certaines pratiques  récentes du grand éditeur Elsevier posent vraiment la question aujourd’hui d’un boycott pur et simple.

Elsevier est un acteur quasi-incontournable de l’édition scientifique, publiant 250 000 articles par an dans plus de 2000 journaux (si j’en crois Wikipedia). Poids lourd de l’édition scientifique, sa responsabilité est grande, tant à l’égard de la Science – Elsevier édite par exemple les Compte Rendus de l’Académie des Sciences de notre beau pays- que des scientifiques qui, rappelons-le, travaillent  quasiment gratuitement pour les éditeurs scientifiques du fait du système de revue par les pairs.

Des pratiques douteuses

Cependant, force est de constater que l’ attitude d’Elsevier pose des problèmes de façon récurrente. Pour ne citer que trois affaires parmi les plus récentes :

Une stratégie de packages inacceptable

On le voit, Elsevier est donc régulièrement pris les mains dans le pot à confitures. Mais c’est paradoxalement des pratiques tout ce qu’il y a de plus légales et d’éthiques qui posent problème aujourd’hui  à mon sens. Car des événements récents prouvent aujourd’hui qu’Elsevier considère les chercheurs, qui sont à la fois ses clients, ses serviteurs et ses vaches à lait, pour des imbéciles.

Elsevier se livre d’abord de plus en plus à des pratiques plus proches du vendeur de chaînes câblées que de l’éditeur scientifique. Un exemple parmi d’autres : Elsevier vend des “packages” d’abonnements de revues aux universités et se livre actuellement à un saucissonnage tout à fait inacceptable :  il sépare actuellement les revues récentes et trendy du package basique, pour  les inclure dans d’autres packages incluant d’autres revues plus que mineures.

Du coup, l’université voulant se mettre à la page devra acheter quasiment tous les packages pour avoir accès à la totalité des bonnes revues. Et, en période de vaches maigres, certaines universités refusent désormais purement et simplement; sans être dans le secret des Dieux, j’imagine que quelque chose de similaire s’est passé récemment dans le cas de Paris VI qui a résilié il y a quelques jours son contrat avec Elsevier.

Une position  cynique sur le financement de la recherche publique

L’autre événement qui a de quoi faire sortir le scientifique lambda de ses gonds, c’est une tribune dans le Telegraph.  Oh, rien d’inhabituel en ces temps de propagande obsédés par la dette publique, un discours classique de coupe dans les dépenses, soutenant le plan d’une terreur British appelée George Osborne. Sauf que le plan en question prévoit des coupes drastiques dans le secteur éducatif, et spécifiquement universitaire : - 40 % de dépenses dans ce domaine ! Et cette tribune d’entrepreneurs, soutenant ces coupes, est signée …  par Anthony Habgood, le Chairman de Reed Elsevier. Peut-on faire plus imbécile et plus cynique qu’un “entrepreneur” dont le business model repose sur l’expertise et le  travail bénévole de personnes dont l’activité est financée en grande partie sur des fonds publics et qui soutient en parallèle une coupe drastique de ces mêmes dépenses publiques ?

Elsevier, du fait de son poids énorme, se comporte en monopole, se permet de donner des leçons de rigueur à l’État britannique d’un côté tout en pressurisant le secteur universitaire de l’autre. Il se trouve que nous, chercheurs, avons aussi le pouvoir de donner une leçon d’économie à Elsevier. Tout quasi-monopole non naturel étant néfaste pour l’économie, nous rendrions probablement service à la société en général en refusant désormais de travailler avec Elsevier, en refusant de référer les papiers soumis à une revue du groupe Elsevier, en refusant d’y envoyer nos papiers, ce qui in fine, devrait forcer Elsevier à mettre la clé sous la porte (d’une façon ou d’une autre).

En ce qui me concerne, je suis assez choqué par tout cela et désormais, je ferai mon possible pour m’abstenir de référer des papiers pour Elsevier, et je n’y enverrai plus mes papiers. Je privilégierai en priorité les journaux en accès libre et les journaux de sociétés savantes (comme Science ou Physical Review).

>> Photo FlickR CC : Campaign Against Arms Trade, martineno

>> Article initialement publié sur Matières vivantes

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« L’objectif de Google n’est pas d’afficher l’information la plus pertinente » http://owni.fr/2010/03/10/%c2%ab-l%e2%80%99objectif-de-google-n%e2%80%99est-pas-d%e2%80%99afficher-l%e2%80%99information-la-plus-pertinente-%c2%bb/ http://owni.fr/2010/03/10/%c2%ab-l%e2%80%99objectif-de-google-n%e2%80%99est-pas-d%e2%80%99afficher-l%e2%80%99information-la-plus-pertinente-%c2%bb/#comments Wed, 10 Mar 2010 13:39:13 +0000 Solveig Godeluck http://owni.fr/?p=9749

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Renaud Chareyre revient dans une interview sur sa thèse développée dans son essai “Google Spleen” : derrière la légende “Don’t be Evil”, la firme cherche avant tout à faire du business, avec en prime le risque d’un super-monopole “digne d’une économie planifiée”.

Surprise ! Mon Ecran Radar s’ouvre à des contributions extérieures. Promis, juré, craché c’est bien plus l’envie d’offrir un espace Freestyle à d’autres journalistes/bloggeurs/Xperts qui motive cette décision qu’un mauvais prétexte pour ne pas vous livrer mon post hebdomadaire (Il arrive ce billet, il faut juste que je trouve le temps…et le bon sujet ;-) On commence donc ce nouvel exercice “open source” avec ma consoeur Solveig Godeluck, grande spécialiste de l’internet et des télécoms, qui signe ci-dessous une interview passionnante de Renaud Chareyre auteur de “Google Spleen”, chez Interactive Labs. Cet essai sans concessions s’emploie à démonter la légende “Don’t be Evil” servie par Google pour mettre à jour le véritable objet de LA FIRME : le Business avec un grand B…avec en prime le risque d’un super-monopole “digne d’une économie planifiée”.

INTERVIEW :  Renaud Chareyre, auteur de
« Google Spleen. La tentation de la désinformation »

Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire ce livre très critique sur Google  ?
J’ai créé il y a quelques années Woxxo, un site de mise en relation de prestataires pour des projets dans le domaine d’Internet, de l’informatique et de la communication. A partir de 2003, nous sommes devenus un gros consommateur d’Adwords, la régie publicitaire en ligne de Google. Pour mémoire, Adwords permet aux annonceurs de faire apparaître leur adresse Web en regard des résultats d’une recherche effectuée avec le moteur Google  : ce sont les fameux « liens sponsorisés », destinés à mieux cibler la publicité.  Au début, nous avons bénéficié d’un fort retour sur investissement. Le taux de conversion, c’est-à-dire le nombre d’internautes qui après avoir cliqué sur notre annonce décidaient d’utiliser notre service, était très élevé.  Puis à partir de 2005, l’efficacité commerciale de notre campagne sur Adwords s’est franchement dégradée. Nous avons essayé de comprendre ce qui se passait. Conclusion  : en toutes circonstances, c’est Google qui décide d’afficher ou non vos annonces, selon ses propres critères qui n’ont rien à voir avec ceux de ses clients.

Mais qu’est-ce qui vous permet de tirer de telles conclusions  ?
Alors que le marché de la mise en relation était en forte croissance, nos volumes baissaient. Nos statistiques étaient de plus en plus incohérentes : en 2003 nous avions une conversion par heure, en 2007 nous en avions deux par jour, quelles que soient nos actions marketing, le prix payé, le nombre de mots-clés achetés. Cela pouvait être une à 16h47, et l’autre à 16h48… puis plus rien de la journée. Autre bizarrerie  : les demandes déposées par les visiteurs issus d’Adwords n’émanaient quasiment plus que d’étudiants et de particuliers, au détriment des grands comptes et des PME. En fait, Google a peu d’intérêt à maintenir en haut de classement un annonceur capable d’apporter une solution immédiate au besoin de l’utilisateur. C’est logique, puisque son profit dépend du nombre de clics que va effectuer l’internaute avant d’identifier la réponse à ses attentes et donc d’interrompre sa session. La plupart des gens ignorent que l’objectif de Google, dont le chiffre d’affaires dépend à 95 % de la publicité, n’est pas d’afficher l’information la plus pertinente, mais de conduire l’internaute à multiplier les clics publicitaires.

Avec Adwords, les entreprises paient pour bénéficier d’un bon placement publicitaire. Elles
savent donc à quoi s’attendre  !

Pas du tout. Google a mis en place un système d’enchères pour acheter des mots-clés. En principe, plus vous paierez cher, plus vous serez visible. Mais personne ne connaît le prix payé par ses concurrents.  Et le fait d’être le mieux-disant ne garantit de toute façon ni le meilleur emplacement, ni l’affichage. Car selon le contrat qui s’applique aux clients Adwords, Google se réserve toutes les marges de manœuvre pour organiser le « ciblage » des annonces publicitaires, et donc la répartition de son audience entre les sites. Google se doit de donner de la satisfaction à chacun de ses annonceurs, en leur faisant trouver des prospects, et cela quelle que soit la qualité de leurs propositions. D’où la mise en place d’un microciblage des liens sponsorisés, que Google décide d’afficher, ou pas, sur l’écran de chaque internaute. Les résultats de recherche sont affinés en fonction d’une analyse comportementale à l’échelle de chaque utilisateurs. En donnant des gages à tout le monde, ce système est conçu pour induire une montée générale des mises sur Adwords. A mes yeux, il est loin de favoriser la compétitivité. Il est même digne d’une économie planifiée  !

Avez-vous tenté d’aller voir la concurrence  ?
Bien sûr. J’ai testé Yahoo et Microsoft, mais j’ai observé les mêmes dérives. Sur certains mots-clés, Microsoft me recommande d’enchérir à 25 euros par clic  : cela devient absurde !

Redoutez-vous l’expansionnisme de Google, qui construit des téléphones, opère des réseaux, crée son navigateur, etc.  ?
Google Earth, Google News… Beaucoup d’outils Google sont très séduisants. Le problème, c’est que ces programmes ingénieux sont financés par Adwords.  Or c’est un système fondé sur l’annulation des facteurs de compétitivité des opérateurs. La stratégie de Google consiste à multiplier les projets qui font rêver afin de détourner l’attention de sujets que met en danger le fonctionnement d’Adwords  : la juste rémunération de la compétitivité, le jeu de la concurrence, le respect de la vie privée.

Pourquoi Google menace-t-il de se retirer de Chine ?
Je suis prudent car je ne connais pas le fonds de l’affaire. Mais je constate que le business de Google consiste à contrôler et à organiser l’information sur Internet à des fins publicitaires. Dans un pays comme la Chine, avec un vrai historique de régulation de l’information, Google travaille sur le même terrain que le gouvernement. Pas sûr que les deux démarches soient compatibles. Le piratage des boîtes Gmail n’était qu’un prétexte à mon sens.  Et la défense de la liberté d’opinion a bon dos  : tout de même, Google n’a pas attendu quatre ans en Chine avant de se poser la question des droits de l’Homme !

Propos recueillis par Solveig Godeluck

Article initialement publié sur Mon écran radar

Photo de une Irish Typepad sur Flickr

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