OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 La fin de l’Internet illimité http://owni.fr/2011/08/19/fin-internet-illimite-fixe-orange-sfr-free-bouygues-telecom/ http://owni.fr/2011/08/19/fin-internet-illimite-fixe-orange-sfr-free-bouygues-telecom/#comments Fri, 19 Aug 2011 15:03:34 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=76533 Dans une relative confidentialité, des opérateurs, et non des moindres, réfléchissent à la mise à mort de l’Internet illimité dans les foyers français. “Oui, il y a certains forfaits sur lesquels on risque de mettre des seuils” confirme ainsi sans détour le porte-parole d’Orange Jean-Marie Culpin, interrogé par OWNI. Si elle s’actualise, la situation serait alors inédite en France, habituée à des “boxs” leur offrant l’un des accès à Internet les plus compétitifs au monde et surtout ne comportant aucun seuil de navigation. Confirmée par certains opérateurs, cette stratégie s’est également décidée collégialement, au sein de la Fédération Française des Telecoms (FFT).

Un document de travail de cette organisation, qui regroupe notamment France Telecom, Bouygues et SFR, et dont OWNI s’est procuré une copie, suggère en effet l’instauration de nouveaux forfaits comportant “débit IP maximum” et “plafond de consommation”… le tout “pour le fixe” (voir ci-dessous).

La démarche, entamée sur le mobile, a jusque là été couronnée de succès. Les opérateurs français, à l’instar de leurs comparses européens et américains, ont amputé la navigation sur smartphones de grand nombre d’applications du net: peer-to-peer, voix sur IP… Tant et si bien que SFR, Orange et Bouygues, ont été taxés d’atteinte à la neutralité du réseau, le titre “d’Internet illimité” de leurs forfaits leur étant contesté. Le tout, sans que les utilisateurs ne s’en détournent, ni que les gouvernants, nationaux ou européens, ne s’en émeuvent. Pourquoi s’arrêter en si bon chemin ?

Des “plafonds de consommation”, sur mobile… et fixe

La réflexion de la FFT, en date du 21 juillet dernier, est une réponse à la consultation menée par l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes) sur la neutralité des réseaux. Selon l’un des porte-paroles de la fédération, les opérateurs ont été invités à formuler des propositions sur leur secteur, en concertation avec les associations de consommateurs et d’autres opérateurs non-adhérents -dont Free fait partie depuis 2009.

Intitulé “Transparence de l’information consommateur”, le document présente trois “directions” pour “mieux communiquer auprès des consommateurs sur les pratiques de gestion de trafic et les caractéristiques des offres [des opérateurs]“ (p.1):

Premièrement, ils [les opérateurs, ndlr] ont rédigé des définitions communes pour les principales notions utilisées dans la description des offres.

Deuxièmement, ils présentent les caractéristiques de la gestion de réseau et fournissent des informations utiles pour chaque gamme d’offres. Ils proposent notamment un tableau récapitulatif sur les usages autorisés, limités, bloqués, ou non autorisés contractuellement dans leurs offres d’accès à Internet.

Troisièmement, ils fournissent des informations sur les éléments ayant un impact sur la qualité de la connexion, ainsi que des conseils concernant certains éléments perturbateurs.

En annexe, on trouve ces fameux “tableaux récapitulatifs”, qui inscrivent noir sur blanc le principe de forfaits Internet fixe et plafonnés.

On peut ainsi lire sur la dernière page (voir ci-dessous) la “proposition de découpage par gamme pour le fixe” de la FFT. Elle présente trois offres, qui n’existent pas sur le marché, mais qui sont envisageables. Celles-ci proposent “x Mbps” (megabits par seconde) de “débit IP maximum” par abonnement. Un “plafond de consommation” au-delà duquel l’opérateur se propose de “réduire le débit” voire carrément de le “bloquer”.

Trois autres entrées intitulées “VoIP”, “P2P” et “Newsgroup”, des services habituellement exclus de la navigation sur terminaux mobiles, figurent dans ce tableau, un bref “OUI ou NON” admettant la possibilité de les écarter des offres envisagées, à la discrétion des opérateurs.

“La réduction du débit au-delà d’un seuil de volume de données consommées”

Les telco français justifient cette nouvelle direction par le même argument qui prévaut sur mobile: la saturation des réseaux, qui nécessite selon eux une “gestion de trafic”:

Les réseaux mobiles se caractérisent par des capacités plus contraintes en raison de la rareté des fréquences et du caractère partagé de la ressource dans le réseau d’accès. Ces facteurs techniques expliquent l’existence de limitations ou restrictions spécifiques au mobile.
(II. Gestion de trafic, p. 3)

Problème: ces “restrictions” ne sont plus cantonnées au mobile. De nombreux passages du document admettent en effet implicitement leur extension au fixe. Ainsi page 2:

Parmi les solutions de gestion de trafic susceptibles d’être utilisées par les opérateurs, on trouve la réduction du débit au-delà d’un seuil de volume de données consommées. Les opérateurs de téléphonie mobile ont plus particulièrement recours à cette pratique afin d’assurer, malgré la croissance extraordinaire de l’usage Internet mobile, la continuité de service pour l’ensemble des utilisateurs, sans pénaliser financièrement les grands consommateurs. En effet, au-delà de l’usage raisonnable défini contractuellement, le débit est simplement modéré, afin d’éviter une facturation excessive.
(II. Gestion de trafic, p. 2)

“Les opérateurs se croient tout puissants”

Du côté de la FFT, si l’on confirme la validité de ces propositions, on précise néanmoins que ces dernières sont le “fruit d’une concertation“. “Les associations de consommateurs sont d’accord: le document a été élaboré avec eux”, déclare un porte-parole.

“Faux!” rétorque l’UFC-Que Choisir qui qualifie l’incursion des opérateurs sur le fixe “d’inacceptable”. Pour Edouard Barreiro, en charge des questions numériques au sein de l’association, “les opérateurs ont manipulé beaucoup de gens, élus comme représentants de consommateurs. Mais cette décision reste inacceptable. Limiter Internet sur le fixe n’a aucune justification économique, poursuit-il. Les coûts fixes ne varient pas selon la consommation des utilisateurs, ou très peu. Les opérateurs cherchent à rançonner des deux côtés: d’abord les fournisseurs de contenus comme Google, puis les consommateurs. Les opérateurs se croient tout puissants”.

Du côté du régulateur, on botte en touche: le document est inconnu au bataillon; impossible d’obtenir la moindre information sur la réponse que donnerait l’Arcep si les forfaits Internet fixes limités venaient à voir le jour. Cette éventualité est néanmoins qualifiée de “bizarre”: “autant dans le mobile, la ressource est finie… autant dans le fixe…” nous confie-t-on au téléphone. Il est vrai que la saturation du réseau filaire n’est pas établie (à ce sujet, voir l’explication de Benjamin Bayart, président de FDN, un FAI associatif français) . Interrogé sur ce point, le porte-parole de la FFT, gêné aux entournures, admet que l’argument est moins recevable que pour le mobile, dont la couverture est conditionnée au nombre d’antennes.

Chez Orange, si on ne cache pas la mise en place de cette nouvelle stratégie, on concède également que la pilule sera difficile à avaler pour les consommateurs. “Pour le fixe, c’est plus délicat car il ne s’agit pas d’une phase de nouvel équipement, comme pour les smartphones dans le mobile”, explique le porte-parole du groupe Jean-Marie Culpin. “Mais oui, il y a certains forfaits sur lesquels on risque de mettre des seuils”. Et d’ajouter: “s’ils ne concernent qu’ 1% des gens qui downloadent des films toute la journée, alors c’est envisageable. C’est inacceptable si cela impacte davantage de clients”.

Orange propose à ses clients d'estimer leur consommation sur Internet mobile. Le forfait Origami style bloque toute navigation au-delà de 500 Mo.

Vers un Internet limité, partout, pour tous

Concrètement, à quoi pourrait ressembler une France d’Internet fixe limité ?

Au mobile, d’abord. Car dans le monde des téléphones portables, le pli est pris depuis longtemps. Au-delà de 500 mega octets (Mo) ou 2 giga (Go), en fonction des offres, le consommateur se voit ralenti ou carrément bloqué dans sa navigation: l’opérateur lui propose alors d’acheter une nouvelle tranche d’octets. “Les opérateurs ont fait le même type de mouvement: nous avons besoin de segmenter les offres. Il n’y a pas de raison de payer pour ceux qui consomment 2 Go si on a besoin de 200 Mo !”, précise encore Jean-Marie Culpin, dont l’avis est partagé du côté de chez Bouygues. “Il faut s’adapter à la réalité des usages” déclarait récemment son directeur Général Adjoint Frédéric Ruciak sur ZDNet. Autrement dit: mettre en place des “modèles basés sur la vitesse et la quantité d’usage”.

A la Grande-Bretagne, ensuite. Ou aux États-Unis. Deux pays dont les offres ont été étudiées par la FFT en préambule de ses propositions. Comme le dit d’ailleurs le représentant d’Orange: “les tarifs américains, c’est le rêve de tous les opérateurs !”. La firme avoue scruter du côté des cablo-opérateurs tels Time Warner, Comcast ou bien encore Verizon et AT&T, qui proposent une connexion plafonnée, le plus souvent à 250 Go par mois. Les internautes sont invités à garder un oeil sur leur consommation, à l’aide d’un compteur. Et au-delà de “l’usage raisonnable” fixé contractuellement, cela peut aller jusqu’à la coupure (ici et , les témoignages de deux abonnés Comcast dont la connexion a été coupée).. Pour la France, cela représenterait un rétropédalage d’une dizaine d’années, époque à laquelle chaque abonné comptait consciencieusement chaque minute de connexion.

Et Free dans tout ça ?

Placer un compteur sur les box s’annonce être une entreprise périlleuse: difficilement justifiable en termes technique et économique, elle vient aussi bousculer une habitude de navigation bien française, ancrée dans les offres triple-play et à bas coût. Une autre inconnue s’ajoute à l’équation: la position de Free, qui a bousculé le marché des opérateurs avec le lancement de son offre ADSL en 2002. Bénéficiant d’une image de chevalier blanc des télécoms, sa réaction sera déterminante. Car ouvrir la voie d’un Internet fixe limité sans avoir l’assurance d’un alignement de la concurrence reviendrait en effet à se mettre une véritable balle dans le pied…  Chez Free, on se dit “plus que réservé sur la pertinence d’une telle proposition”, qui irait “à l’encontre des fondamentaux” de la boîte. Et de conclure: “on a du mal à voir où ils veulent en venir”.


Illustrations : CC FlickR zigazou et captures d’écran.
Image de Une Loguy pour OWNI, téléchargez-la :)

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Les vrais goinfres, ce sont les FAI
Internet illimité : les opérateurs s’agitent

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Netflix ne tuera pas Internet http://owni.fr/2010/11/09/netflix-ne-tuera-pas-internet/ http://owni.fr/2010/11/09/netflix-ne-tuera-pas-internet/#comments Tue, 09 Nov 2010 15:25:09 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=34884 “Netflix va-t-il détruire Internet ?” C’est en ces termes que Slate.com s’est fait l’écho d’une récente étude abordant “l’ensemble des phénomènes Internet” observables à l’automne 2010. Et plus précisément de l’un des points forts relevés par le rapport, à savoir la consommation en bande passante du site américain Netflix, également à la Une de nombreux autres sites spécialisés outre-Atlantique, dont Wired et PCMag.

Netflix, initialement fondé sur la location et l’envoi de DVD par voie postale, propose également aux internautes nord-américains de regarder films et séries télé en streaming. Une fonctionnalité qui consommerait, pendant les horaires de prime-time (entre 20h et 22h), jusqu’à 20 % de la bande passante disponible sur le réseau fixe des États-Unis. Le tout, comme s’en étonne Farhad Manjoo de Slate, avec moins de 2% (1,8 %) des abonnés à Netflix connectés. Plus que gourmand, le site serait un glouton, un bouffe-tout, un gouffre à bande passante qui pousse le journaliste à s’interroger:

Que se produira-t-il quand de plus en plus de Netflixers regarderont des films durant les pics d’activité ?

Interrogation qui laisse présager le pire: congestion du réseau… voire éventuelle implosion.

Une “double poisse pour les fournisseurs de service”

Si l’idée d’un potentiel effondrement d’Internet, ou tout autre scénario catastrophe du genre, est toujours empreinte d’un effet dramatique assez lourdingue, l’impact effectif de Netflix sur les réseaux mérite néanmoins d’être abordé. L’importance relative de la part engloutie par ce site est en effet considérable, si ce n’est “incroyable”, comme l’avance Slate. Ces fameux un cinquième du trafic américain font figure de mastodonte face à la consommation d’autres sites de streaming, pourtant loin d’être des petits joueurs. Ainsi, toujours selon l’étude, YouTube n’absorberait que 9,85% du trafic lors des pics d’activité, le site de partage peer-to-peer BitTorrent 8,39%; Flash Video, 6,14%. De l’autre côté de l’Atlantique, le streaming vidéo est loin d’atteindre les mêmes proportions, le trafic étant toujours dominé par les navigateurs web monopolisant près de 45% du trafic.

Que signifie concrètement la prédominance du seul Netflix sur le réseau américain ?

Pour Sandvine, entreprise à l’origine de l’étude, elle constitue d’abord une menace à l’adresse des opérateurs : “pour les fournisseurs de service, c’est une double poisse: non seulement ils perdent des revenus face ces offres excessives [les opérateurs américains étant également des acteurs du câble, ndlr], mais ils perdent aussi des capacités de réseau en délivrant ces services.”

Du côté des internautes, c’est la pérennité de nos habitudes qui est questionnée: pourra-t-on encore regarder une vidéo sur YouTube sans souffrir d’une dégradation du service ? Consulter nos emails avec la même aisance qu’aujourd’hui ? Certains l’affirment,

La demande en données suscitées par Netflix pourrait bientôt devenir suffisante pour complétement crasher Internet.

D’autres se montrent plus prudents: ainsi Slate, qui, tout en ne condamnant pas clairement le réseau à une mort certaine, dresse néanmoins le portrait d’un avenir réticulaire sombre, grevé par “un haut-débit américain minable”.

Le cocktail idéal pour créer un argument anti-neutralité

Une version progressivement dégradée d’Internet, des opérateurs lésés par un site de streaming vidéo trop vorace en bande-passante… Bingo ! Voici le cocktail idéal pour donner aux opérateurs un argument en faveur d’une gestion des réseaux . Et de taille ! Puisqu’un unique site est une menace pour l’intégrité de tout un réseau régional, risquant en premier lieu de léser les usagers, quoi de plus légitime que d’en limiter l’activité ? Et de réclamer, au passage, une part substantielle des revenus de ce service en ligne, histoire que celui-ci finance également les opérations de maintenance des tuyaux qu’il a bouché. Non mais.

Ce genre d’argumentaire, dressé ici à grands traits, est régulièrement rabâché par les opérateurs engagés dans le débat sur la neutralité des réseaux. Orange, Bouygues en France; Comcast, Verizon, ATT aux États-Unis -pour ne citer qu’eux. Et il est vrai qu’on serait bien tenté d’y adhérer vu l’ampleur des chiffres avancés par l’étude en question. Mais avant de se laisser séduire par les nombres et l’interprétation qui en est donnée, pour mieux jouer les Cassandre, certains sites auraient bien fait de se pencher sur deux aspects en particulier.

La provenance d’abord. Ce que Slate, Wired et d’autres ne disent pas, ou trop peu, c’est que la firme à l’origine du rapport a la particularité de compter parmi ses clients des opérateurs. Sandvine est un équipementier qui offre des “solutions de contrôle de politique du réseau”; en clair, l’entreprise aide les FAI à mieux gérer le trafic dans leurs tuyaux avec une multitude d’outils, dont certains visent à réguler les échanges en peer-to-peer (l’opérateur historique américain Comcast, dans la célèbre affaire l’opposant à la FCC, a d’ailleurs été suspecté d’utiliser cette technologie pour brider les échanges sur BitTorrent), d’autres à “gérer l’encombrement du réseau”. Autrement dit, sans verser dans une suspicion complotiste malvenue, cette étude n’est évidemment pas neutre. Et s’ils sont exacts, Netflix ayant refusé de nous communiquer leurs propres mesures, nous empêchant ainsi d’établir un comparatif, ces chiffres restent le fruit de l’examen “d’un échantillon représentatif des fournisseurs de données sur fixe et mobile”. Et Sandvine de compléter qu’une telle analyse “a été rendu possible par la participation volontaire de [ses] clients”.

“L’Internet résistera à tout, sauf à la bêtise humaine”

Mais sans vérifier l’orientation d’une telle étude, les sites américains auraient tout aussi bien pu se tourner vers une autre expertise, afin de confirmer, ou d’infirmer, l’appauvrissement en bande passante du réseau nord américain, pour mieux en évaluer les implications. C’est d’ailleurs ce qu’a fait Fortune, qui est allé à la rencontre de Tom Leighton, professeur au MIT et co-fondateur d’Akamai, entreprise dont la technologie permet d’éviter la congestion des réseaux en rapprochant le contenu des utilisateurs via des milliers de serveurs disséminés à travers le monde, et dont Netflix était jusqu’à récemment un client. S’il reconnaît la croissance rapide de la vidéo, Tom Leighton estime qu’il y a de la marge:

Il y a des tonnes de capacité sur les bords du réseau… beaucoup de capacité dans le dernier kilomètre qui mène à votre foyer.

Autrement dit, à condition que Netflix répartisse son contenu de façon intelligente et décentrée, ses besoins en bande passante n’impacteraient pas les usagers.

C’est également dans ce sens qu’abonde Jean-Michel Planche, président et co-fondateur de Witbe (1), pour qui l’annonce d’une destruction d’Internet par Netflix ne relève que de velléités “racoleuses”. “Certaines firmes de gestion de réseau veulent faire croire que la seule issue est la congestion des réseaux, mais il y a d’autres scénarios”, avance-t-il. Notamment celui proposé par Tom Leighton, à savoir l’investissement de Netflix dans les infrastructures: “Tout le monde doit participer à un Internet de la meilleure qualité possible. Les opérateurs doivent améliorer sans cesse leurs infrastructures, jusqu’à l’abonné. Mais cela concerne aussi les distributeurs comme Netflix, explique l’entrepreneur, qui peuvent aider en décentralisant leurs contenus au plus proche possible des utilisateurs.

Et si demain Netflix venait à représenter 90% du trafic ? Alors oui, “les infrastructures seraient engorgées et ne laisseraient qu’une part congrue aux applications sensibles telles que la VoIP, les applications temps réelles et tous les services importants qui utilisent Internet comme réseau de transmission”, explique encore Jean-Michel Planche. Un constat que dresse aussi Laurent Toutain, maitre de conférences à Telecom Bretagne, qui estime qu’en cas de congestion trop forte, “le temps de téléchargement d’autres flux vidéo, comme Youtube, pourrait se voir allongé, ainsi que les transferts de fichiers.” Mais ce n’est en aucun cas annonciateur d’un doomsday de l’Internet. “On parle de problème de croissance depuis des années, s’emporte Jean-Michel Planche. Pourtant, on sait qu’Internet survit à la destruction quasi-totale des infrastructures qui le sous tend. L’Internet résistera à tout, sauf à la bêtise humaine.

(1) Witbe est un éditeur de solutions de monitoring des réseaux Internet / Intranet et des services avancés (4Play)

Netflix; CC: wheresmysocks, montage Owni à partir de Epson291

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Neutralité: le Sénat place les contenus au coeur du débat http://owni.fr/2010/11/02/neutralite-le-senat-place-les-contenus-au-coeur-du-debat/ http://owni.fr/2010/11/02/neutralite-le-senat-place-les-contenus-au-coeur-du-debat/#comments Tue, 02 Nov 2010 07:30:49 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=33902 Il y a eu le comité d’experts, la remise d’un rapport gouvernemental, les consultations puis les conclusions de l’Arcep, sans oublier les prémisses d’une réflexion européenne au sein de la Commission. La neutralité des réseaux a désormais investi les murs du Sénat. Mardi dernier, les commissions de la culture et de l’économie, représentées dans l’ordre par Catherine Morin-Desailly (UC) et Pierre Hérisson (UMP), ont convié différents acteurs de l’Internet à se mettre (une nouvelle fois) autour de la table pour causer neutralité. Au menu:

Quelle liberté d’accès au réseau en ligne pour la communauté croissante des internautes ? Doit-on autoriser les opérateurs à restreindre l’accès aux contenus, services et applications dont ils permettent la mise en ligne pour des motifs techniques ou économiques ? Faut-il instaurer un cadre de régulation souple, ou envisager de se résoudre à légiférer de façon plus contraignante ? Quelles suites donner aux propositions formulées récemment par le Gouvernement et l’autorité de régulation ?

Vaste programme, synonyme pour certains d’un énième symposium infructueux et bavard, marqué par une sur-représentation des institutions étatiques (CSA, Arcep), des opérateurs (Bouygues Télécom, Orange) et des ayants droit (SACD et APC). Mais si ces discussions ont été le théâtre des traditionnelles oppositions sur le front de l’investissement dans les infrastructures du réseau, opérateurs et services en ligne ne cessant de  se renvoyer la balle en la matière, elles ont le mérite d’avoir soulevé pour la première fois la question des téléviseurs connectés. Au-delà de la conciliation du principe de neutralité avec le risque de congestion, le Sénat a interrogé le statut de ces télé reliées à Internet, secteur notamment investi par les géants Google et Apple.

Neutralité des contenus et neutralité des réseaux

Curiosité de ces nouveaux débats, ils se sont articulés autour de deux tables rondes distinctes, intitulées «neutralité des contenus» et «neutralité des réseaux». La dissociation des thématiques n’a pas manqué de surprendre; elle semble avant tout avoir servi de prétexte à l’évocation en longueur du régime des téléviseurs connectés et des œuvres diffusées sur ces supports. Néanmoins, elle vient inutilement scinder le concept de neutralité des réseaux, qui affirme un libre accès aux sites, services et applications sur Internet, tant en amont (création de contenus) qu’en aval (consultation). De fait, le principe de neutralité tel qu’exposé par Tim Wu englobe déjà la question des contenus; on peut donc s’interroger sur la pertinence et l’impact de cette nouvelle subtilité introduite au Sénat.

Du côté des acteurs traditionnels du secteur, déjà largement consultés sur la thématique, rien de nouveau sous le soleil de la neutralité; opérateurs et services en ligne campent sur leur position.

Le représentant d’Orange Pierre Louette a ainsi répété l’attachement du fournisseur d’accès «au maintien des services gérés, par exemple dans la télévision et les vidéos à la demande». «Les paquets de données ont-ils la même importance ? Pour moi, non», a t-il poursuivi, plaidant pour que les opérateurs puissent «organiser, sans porter un préjudice fondamental aux autres contenus, des formes de priorité pour certains contenus qui ont impact particulier ou qui offrent une garantie”. «Préjudice fondamental», «impact particulier» : autant de termes qu’Orange se doit encore d’éclairer.

Au niveau des sites Internet, représentés par le président de l’Asic Giuseppe de Martino, l’impératif a une nouvelle fois été de rappeler leur contribution au développement des infrastructures, remis en cause par les FAI.

Près de 40% de nos coûts sont des investissements réseaux: bande passante, matériel… Si on nous demande de participer un peu plus, on utilisera l’argument final: ne devrait-on pas profiter aussi un peu plus des abonnements que touchent ces fournisseurs de réseaux ? Car si on s’abonne aujourd’hui, c’est aussi pour bénéficier de nos services, a menacé Giuseppe de Martino.

Au-delà des responsabilités financières de chacun, le débat sénatorial a souffert des travers classiques d’un débat sur la neutralité, à savoir le glissement sémantique vers un Internet «ouvert». Tant et si bien que l’intérêt du débat s’est vu déporté d’une définition de la neutralité vers un balisage du contrôle dont bénéficient aujourd’hui les opérateurs sur les contenus. Au centre des discussions donc, «le contrôle du contrôle», comme l’a justement souligné Claude Kirchner, unique représentant de la communauté scientifique (INRIA): basculement en apparence anodin, qui donne pourtant de fait l’aval à une mainmise des opérateurs.

Télé connectée: simple ordinateur ou secteur à part ?

A l’exception de Claude Kirchner, pour qui le téléviseur connecté «est juste un ordinateur avec une télécommande élaborée», la majorité des intervenants penchés sur la question des contenus ont insisté sur la spécificité de ce nouveau service. «Télescopage de deux univers», celui de l’audiovisuel et de l’Internet, pour Emmanuel Gabla du CSA, monde aux logiques différenciées selon Alain Le Diberder de la SACD. Autrement dit, la petite lucarne n’a pas été d’emblée placée sous l’égide de la neutralité.

La télé connectée, ça va envoyer

S’il déclare vouloir le voir appliqué aux services gérés, le CSA concède timidement que «certains aménagements de ce principe de neutralité des réseaux» pourraient être organisés, «pour répondre aux exigences de certains services en temps réels et pour financer l’établissement de certaines infrastructures», telle la fibre optique.

Infrastructures toujours donc, mais pas que: la nature et le financement des contenus inquiètent également le monde de l’audiovisuel. La marotte hexagonale d’une «spécificité des contenus culturels français», présentée par le sénateur Bruno Retailleau comme constitutive de «notre identité», vient titiller le concept de neutralité… quitte à le contredire, comme le remarque justement Numerama. Le CSA s’est en effet inquiété d’une absence de neutralité sur les moteurs de recherche, qui pourrait se concrétiser en une mise en avant des contenus en provenance d’outre-Atlantique. «Pour favoriser la consommation et la visualisation de contenu d’origine française et européenne, il faut être certain que les moteurs de recherche soient parfaitement neutres», a ainsi déclaré Emmanuel Gabla. Représenté dans la salle, Google France n’a pas manqué de renvoyer la balle aux acteurs de l’audiovisuel français, les appelant à être «pro-actifs» pour être valorisés sur les moteurs de recherche.

«La neutralité du net n’est pas la violation de la propriété intellectuelle»

Autre point jusque là peu -voire pas- abordé dans le débat sur la neutralité des réseaux: le financement du contenu qui circule dans les tuyaux. De nouvelles voix se sont ajoutées à la discussion: celles des sociétés d’auteur, SACD et APC, qui ont abordé le sujet délicat de la propriété intellectuelle.

Là encore, l’investissement de chacun suscite la polémique: pour les ayants droit, il est clair que les nouveaux services qui s’apprêtent à diffuser du contenu sur les téléviseurs connectés, en premier lieu Google et Apple, doivent mettre la main à la poche et financer la création. Frédéric Goldsmith, délégué général de l’APC, l’affirme: «neutralité du net n’est pas [synonyme de] violation de la propriété intellectuelle». Dans la mesure où les contenus audiovisuels constituent un «produit d’appel», poursuit-il, il est impératif que ceux qui les utilisent «investissent dans les œuvres». Même son de cloche du côté de la SACD, qui souhaite voir perdurer une rémunération des création «par l’aval»: des diffuseurs vers les créateurs.

La question du financement de la création a été l’occasion pour les ayants droit de saluer le travail de l’Hadopi,  «qui a le mérite d’avoir jeté certaines bases» selon Frédéric Goldsmith. Elle a aussi permis d’aborder le thème de la licence globale, vite évacué par la SACD, qui souhaite préserver «le droit des auteurs et des producteurs à fixer leur mode de rémunération»; une liberté qualifiée de «fondamentale».

De nouveaux rendez-vous ont été fixés autour de la table, le CSA en particulier a annoncé l’organisation d’un colloque sur les téléviseurs connectés en février prochain. Son cas devrait aussi être examiné dans les mois à venir, puisque l’idée d’un «CSA de l’Internet», écartée début 2009 par les sénateurs, ainsi que d’une fusion des autorités administratives, a de nouveau été évoquée. Visant une régulation plus adéquate du continuum de services en ligne, cette éventualité semble faire du chemin du côté des parlementaires.

En attendant de connaître le sort qui lui sera réservé en France, proposition de loi ou ordonnance, la neutralité des réseaux est au menu d’autres réflexions, dont la récente mission d’information de la Commission des affaires économiques de l’Assemblée, chapeautée par Laure de La Raudière (UMP) et Corinne Ehrel (SRC).

Bref, comme remarque le clairvoyant sénateur Hérisson,

c’est un thème dont on n’a pas fini d’entendre parler dans les mois et les années venir.

Au risque de voir petit à petit se dissoudre le substrat même du principe de neutralité.

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Crédits photo: Flickr CC krossbow, xeni, symbi, greenkozi

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